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Devenir mère, un chemin de matrescence

Photo du rédacteur: Alisée CottetAlisée Cottet

Dernière mise à jour : 11 déc. 2024

Devenir mère, c'est l'art de laisser entrer l'ambivalence dans sa vie. C'est vivre des émotions et des pensées contradictoires dans la même journée, voire en même temps.

Devenir mère, c'est un chemin d'apprentissage, le tissage d'une relation entre la femme et son enfant. C'est le nouvel équilibre de la famille qui se forme.


Le concept de Matrescence, créé par l'américaine Dana Louise Raphael dans les années 70, est particulièrement intéressant pour décrire ce passage. Il est né de la fusion des mots Maternité et Adolescence. L'adolescence désignant cette période sensible de transition de l'enfance à l'âge adulte, phase de chamboulements physiques et psychiques parfois très intenses pour certains; et la maternité faisant référence au fait de porter et mettre au monde un enfant. Ce terme met en valeur ce chemin de devenir mère qui ne réduit définitivement pas au terme de maternité.


Devenir mère, c'est une phase de transition intense pour la femme qui vit des chamboulements physiques et psychiques puissants.


D'ailleurs, quand devient-on mère ? Est ce pendant la grossesse ? Après l'accouchement ? Ou même dès l'envie d'avoir un enfant ? Peut-on être mère sans avoir d'enfant ? Est-on forcément mère si l'on a un enfant ?


Etre mère, c'est une attitude, celle de prendre soin d'autrui, de l'aimer et de l'accepter tel qu'il est.


En ce sens, être mère semblerait presque impossible. Et pourtant, cette capacité existe en chacun. C'est ce que chaque mère peut rencontrer en mettant au monde son enfant : cet amour infini, cette acceptation ultime de cet être auquel elle est entièrement dévouée.





Mais le processus de devenir et être mère n'est pas aussi rose, c'est plus ambivalent. C'est faire de la place à l'amour infini et à la colère de l'oubli de soi, c'est aimer regarder son bébé dormir et vouloir retrouver sa liberté ...


Et si cette transition était abordée de manière simple, au travers de la définition "classique" de la mère qui est celle de porter et mettre au monde un enfant.


Tout commence dès la volonté de concevoir et se confirme en observant deux petits traits sur un test urinaire. La grossesse a débuté. Quasi invisible de l'extérieur dans ses débuts, et pourtant tant de changements intérieurs déjà : fatigue pour certaines, nausées intenses pour d'autres...

Puis s'ensuivent, un mélange de sensations divines : sentir ce petit être en formation bouger au sein de la matrice, le ventre qui fait des vagues, les gazouillis intérieurs. Etre un et en symbiose avec la vie.

Le regard si beau que l'extérieur porte sur la femme enceinte aide à vivre ce rayonnement qui irradie de son être. Toute cette beauté qui émane est aussi intense que les remises en questions et les doutes qui la traversent.


Cette femme s'apprête à vivre une transformation d'une intensité qu'elle n'a jamais connu, l'accouchement étant son portail, la grossesse son passage.


La grossesse est physique, mais pour celles qui sont à l'écoute de leurs profondeurs, elle est aussi psychique. Dans quelques mois, plus rien ne sera jamais comme avant. Une part d'elle s'apprête à mourir pour renaître sous une nouvelle forme: celle de la mère.

Mais mère elle ne l'est pas encore. Pourtant elle doit se projeter, préparer, imaginer. Imaginer cet enfant, imaginer quelle mère elle sera, imaginer son futur. Mais certainement tout sera si différent et imaginer peut lui faire peur.






En attendant, elle sent sont ventre qui s'étire comme jamais il ne l'a fait auparavant. Pour laisser la vie grandir en elle, ses organes se poussent et se compriment. C'est un bouleversement dans ses hormones, dans son corps et dans son esprit.

Les jambes s'alourdissent,

Le centre de gravité se modifie,

L'équilibre est perdu.


Elle s'apprête à se fragmenter pour le jour de son accouchement. Peu à peu son regard semble s'envoler vers d'autres lieux. Elle se prépare à mourir à une partie d'elle. Plus elle y résiste et plus la douleur sera grande. Elle est face au vide et elle a peur. Si elle choisit de sauter, elle vivra la chute, la décorporation, la puissance du passage vers le devenir mère. Et elle renaitra avec ce nouvel être au creux de ses bras, les lèvres accrochées à son sein.


Elle va devoir apprendre à renaître.


Pour cela, elle va devoir récupérer tous les petits morceaux d'elle qui se sont éparpillés le jour de son enfantement. Elle va devoir laisser de côté ses anciennes parts d'elle-même et recréer ce qui la définit désormais.




Ce nouveau tissage prend du temps. Il nécessite de prendre le temps de découvrir son enfant. Celui qu'elle a senti bougé, qu'elle a nourri et accueilli dans son propre corps. Il est là désormais, tout petit et si fragile, il est passé par le vortex de la naissance pour atterrir non plus dans, mais sur son ventre. 


Les êtres sont physiquement séparés. Ni la mère ni l'enfant ne comprend encore bien ce qu'il s'est passé. L'enfant cherche encore la fusion avec le corps de sa mère. Le corps de la mère est épuisé, il a vécu l'un des événements les plus intenses de sa vie. Entre épuisement et joie profonde. L'être à l'intérieur d'elle est maintenant soumis aux éléments 

extérieurs, épuisé lui aussi de ce périple qu'est la naissance, il réclame sans cesse sa mère.


Cette nouvelle femme doit mettre de côté sa fatigue pour accompagner son nouveau né. Jamais auparavant elle n'a autant donné, et plus encore elle va devoir continuer à le faire. Elle a dépassé sa limite et même plus encore. L'espace et le temps ont disparu. Ils sont ce duo, et ce trio dans l'ici et maintenant.


Au fil des jours, le lien se construit entre les parents et l'enfant.

Au fil des jours, les hormones de la mère chutent.

Elle revient à la réalité.


Elle commence à réaliser tout ce qu'il s'est passé. Le quotidien reprend sa forme. Les nuits hachées débutent et s'accumulent, ses seins débordent de lait, son périnée est encore béant. Si elle se pensait être arrivée, elle va rapidement s'apercevoir que ce n'est qu'un début. L'accouchement n'était que la préparation pour apprendre à tout donner sans rien attendre.


Si toute l'attention était portée sur elle, c'est désormais sur son enfant que le regard va se déposer. Pour diffuser sa joie et son amour, elle va taire ses maux : ses tranchées, sa fatigue, ses tiraillements. Elle se fond dans l'oubli pour élever son nouveau-né si exigent déjà. Les nuits s'enchainent, son enfant toujours lovée eu creux de ses bras, elle s'oublie, elle se sacrifie. Elle observe son reflet dans le miroir et ne se reconnait plus.





Qui est-elle désormais ?


Et c'est là que l'ambivalence se poursuit. Elle peut par instant regretter une part de sa vie d'avant, de sa liberté, de son insouciance. Et en même temps, elle n'a jamais goutté à un tel bonheur que de plonger son regard dans celui de son bébé. Elle l'observe avec tant d'amour et de douceur que le temps semble s'arrêter. Elle pleure, elle rit, elle aime. Elle a à peine le temps de s'occuper d'elle. Elle ne sait pas de quoi demain sera fait, et elle ne veut pas le savoir pour l'instant.


Elle vit tout simplement la connexion, l'union de sa famille. 


Les semaines filent, bébé change et elle se transforme. Elle a cru que le plus dur était passé et puis un nouveau cycle s'enchaine.


Ca y est, elle a réalisé : elle ne sera plus jamais la même.

Sa vie ne sera plus jamais la même.

Son couple ne sera plus jamais le même.


Elle a complètement implosé et elle s'est reforgée. Elle est totalement mère et petit à petit telle va réapprendre à être femme.


Elle est morte et pourtant elle n'a jamais autant été en vie.




Devenir mère est un chemin qui se tisse. Un chemin de beauté et de difficultés.

Etre mère en est la continuité. C'est un chemin sans fin. La relation avec l'enfant ne cesse d'évoluer au fil de sa propre évolution. Chaque vérité est prête à devenir un mensonge. Etre mère, c'est sans cesse se réadapter, grandir et apprendre.


C'est aussi apprendre à être mère au même titre que les autres parts de soi : fille, femme et amante. Apprendre à jouer avec les déséquilibres et à danser avec la vie.


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